Dans le chaos politique actuel, où les institutions vacillent et les discours se bousculent dans le vide, rares sont les voix qui osent encore parler le langage de la légalité républicaine. C’est pourtant ce qu’a fait l’ancien député de la circonscription de Marigot, Deus Deronneth, en affirmant avec force que la seule porte de sortie durable à la crise haïtienne passe par un retour à la Cour de cassation. Une déclaration qui mérite d’être entendue, car elle ne s’inscrit pas dans le bavardage tactique, mais dans une lecture principielle de l’histoire et du droit.
Depuis plusieurs années, Haïti fonctionne dans une zone grise, une zone d’exception permanente, sans arbitre institutionnel incontestable, sans chef d’État issu du suffrage, sans justice réellement indépendante. Ce vide, exploité par les puissances étrangères et les élites corrompues, alimente l’effondrement. Le peuple haïtien est abandonné entre l’insécurité, la pauvreté extrême et une gouvernance de transition imposée d’en haut, sans légitimité ni horizon.
C’est dans ce contexte que l’appel de l’expert en Gouvernance, l’économiste Deus Deronneth prend toute sa portée. En plaçant la Cour de cassation au centre du débat, il ne parle pas seulement de procédure, mais d’un retour aux fondamentaux républicains. Car dans toute République, la justice souveraine est censée incarner l’arbitre ultime en cas de vacance, de rupture ou d’impasse politique.
Le choix de contourner la Cour de cassation, de l’ignorer, voire de la saboter, n’est pas neutre. Il participe d’un projet plus large : celui de délégitimer l’État haïtien pour mieux l’absorber dans des solutions étrangères, technocratiques, post-nationales. En appeler à la cassation, c’est donc refuser ce glissement. C’est exiger que la souveraineté haïtienne se réinscrive dans ses propres institutions, aussi affaiblies soient-elles.
Mais au-delà du juridique, cet appel est aussi culturel et historique. En Haïti, la mémoire du droit est liée à la lutte pour la reconnaissance, depuis le Code rural contesté jusqu’aux grandes mobilisations contre les pouvoirs arbitraires. Ramener la cassation dans le jeu politique, c’est redonner sens à cette histoire. C’est rappeler que notre droit n’est pas une copie étrangère, mais un champ de combat, forgé dans le feu de la résistance.
Deus Deronneth, par cette déclaration, ne se contente pas de suggérer une sortie de crise ; il réclame un retour à l’État de droit haïtien, un acte de foi dans la capacité de notre appareil juridique à porter une transition légitime. Il appelle à réhabiliter nos propres mécanismes au lieu de dépendre éternellement d’accords opaques et de missions tutélaires.
Ce discours est rare. Il est à contre-courant. Et justement pour cela, il doit être relayé. Car sans justice souveraine, sans cadre constitutionnel respecté, il n’y a pas d’avenir viable. Il n’y a que la répétition de l’effondrement.
Oui, la solution passe par la cassation. Non comme une formule magique, mais comme un point de repère. Une boussole. Un mur porteur qu’il ne faut plus laisser s’écrouler. Car sans loi respectée, sans arbitre indépendant, sans retour au droit haïtien, toute transition est un mirage. Toute reconstruction, un simulacre.
Smith PRINVIL