Caen (France), juin 2025 — À l’heure où le changement climatique s’intensifie et frappe de plein fouet les régions les plus vulnérables de la planète, un chercheur haïtien s’illustre par une contribution scientifique de premier plan.
Jacky Duvil, ingénieur agronome et géographe, a soutenu sa thèse de doctorat à l’Université de Caen-Normandie sur un sujet crucial : la vulnérabilité et les capacités d’adaptation des agriculteurs face aux effets du changement climatique dans la région caribéenne.
Sa recherche, intitulée « Perceptions, vulnérabilité et capacité d’adaptation des agriculteurs face aux impacts du changement climatique dans la région Caribéenne : le cas d’Haïti et de la République Dominicaine », s’appuie sur plusieurs années de terrain et une approche comparative inédite. Entre sécheresses prolongées, perte de biodiversité, instabilité des saisons agricoles et précarité socio-économique, les agriculteurs des deux pays font face à des défis colossaux.
« Cette thèse donne la parole aux premiers impactés par la crise climatique, trop souvent absents des grandes décisions environnementales », affirme Jacky Duvil, fraîchement docteur en géographie.
L’étude met en lumière des inégalités profondes entre les deux pays étudiés, mais aussi entre les différents territoires au sein d’un même État. Si certains agriculteurs parviennent à développer des stratégies d’adaptation ingénieuses — diversification des cultures, recours aux savoirs traditionnels, pratiques agroécologiques —, d’autres sont freinés par l’absence de politiques publiques, le manque d’accès au crédit, ou encore la fragilité des infrastructures rurales.
Ce travail a été mené sous l’encadrement des laboratoires IDEES-Caen, ERC2 et Lab AgroUniQ, en lien étroit avec l’Université Quisqueya en Haïti. Il bénéficie également du soutien de partenaires institutionnels comme la Banque de la République d’Haïti (BRH) et l’Ambassade de France en Haïti.
« Comprendre les dynamiques locales de résilience, c’est aussi mieux orienter les financements internationaux. Le savoir produit dans le Sud doit nourrir les politiques globales », plaide le chercheur.
Au-delà des constats scientifiques, cette thèse s’inscrit dans un plaidoyer plus large pour la justice climatique. Elle rappelle que les territoires du Sud, bien que faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, sont en première ligne des désastres climatiques. Et que leurs réponses, souvent sous-estimées, peuvent inspirer d’autres régions du monde.
Aujourd’hui, Jacky Duvil entend poursuivre ses travaux au croisement de la recherche, de la coopération régionale et de l’action climatique. Il appelle à une reconnaissance accrue du rôle des paysans dans la transition écologique, et à une coopération scientifique plus équilibrée entre le Nord et le Sud.
Smith PRINVIL