Gary Didier Pérez n’était pas qu’un chanteur parmi tant d’autres ; il était une voix, un souffle vivant qui a traversé les décennies pour marquer plusieurs générations grâce à son talent exceptionnel. Ancien chanteur emblématique de Zenglen et d’Ozone, deux groupes phares de la scène musicale haïtienne, Gary a fait vibrer les cœurs et enchanter les foules avec sa voix unique, sa présence charismatique et sa passion pour la musique racine haïtienne mêlée aux sonorités modernes. Ses chansons ont été des hymnes de fête, des ponts entre passé et présent, dans une société riche de traditions mais toujours en quête de renouveau.
Au fil de sa carrière, Gary Didier Pérez a contribué à faire rayonner la musique haïtienne au-delà des frontières, inspirant ses contemporains autant qu’une jeunesse avide de repères musicaux et culturels solides. Sa voix, tour à tour mélancolique, puissante et envoûtante, a bâti un pont entre des générations distinctes. Elle a porté les espoirs, les luttes et les joies d’un peuple par la force du chant. Qui, parmi la génération des années 1990, ne se souvient pas de “Fidel”, de “Anba latè” ?
Mais derrière ce parcours sublime se cachait une réalité cruelle : l’abandon d’un artiste au moment où il avait le plus besoin de soutien. Atteint de diabète et d’insuffisance rénale, Gary n’a trouvé dans son milieu musical ni aide suffisante, ni protection sociale. Les appels à la solidarité, lancés avec humilité, sont restés vains. L’entraide concrète, qui aurait pu lui garantir des soins dignes, ne s’est jamais matérialisée. Dans un silence presque assourdissant, il s’est effacé face à la maladie, sombrant dans l’oubli.
Aujourd’hui, alors que Gary Didier Pérez nous a quittés, une vague d’hommages envahit les réseaux, saturée de mots comme « légende », « frère », « icône ». Mais ces marques d’affection ne suffisent pas à masquer l’hypocrisie d’un HMI qui célèbre ses morts avec éclat mais ignore ses vivants. Une hypocrisie qui révèle la fragilité d’un secteur brillant sur scène et dans les hits radiophoniques, mais incapable de protéger ses acteurs dès qu’ils cessent d’être « rentables ». L’industrie musicale haïtienne souffre d’un manque criant de structures solides de protection sociale : pas de système de santé adapté, pas de caisse de solidarité, des associations trop faibles ou inefficaces.
Le cas de Gary Didier Pérez est symptomatique d’une crise profonde qui frappe les musiciens haïtiens, ces porteurs du patrimoine culturel que le pays chérit dans les cérémonies mais oublie dans la douleur. Ce drame n’est pas seulement celui d’un homme : il est le miroir d’une défaillance collective. La responsabilité est partagée entre les acteurs du milieu, les institutions culturelles, l’État qui ne comprend pas l’importance d’un secteur générant pourtant des millions de dollars dans toute sa chaîne de production et le public, qui applaudit mais oublie.
Le cri silencieux de douleur, l’appel de Gary et sa mort doivent pousser à une véritable transformation. Que sa mémoire et son héritage artistique imposent la mise en place de dispositifs concrets de protection sociale pour les musiciens haïtiens. Gary Didier Pérez, par sa voix, a réuni des milliers de musiciens et de mélomanes autour d’une même passion, d’une même culture. Que son départ ne soit pas vain, mais le début d’une mobilisation de solidarité réelle, d’une ère nouvelle où l’humain sera toujours placé au cœur de l’économie musicale haïtienne, et où la musique restera un art, non une simple marchandise de l’économie libérale.
Que Gary Didier Pérez repose en paix et que sa voix continue de résonner!
*Radio Télé Timoun*
*90.9 FM Stéréo*
*Chaîne 13*
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