Il est des retours qui font du bruit. Et d’autres, plus rares, qui imposent le silence. Avec “Picasso”, son nouveau clip, Wendyyy n’a pas simplement signé un comeback. Il a offert un moment suspendu. Une œuvre sobre, poignante, à contre-courant de l’agitation numérique habituelle. Un geste artistique fort, mûri dans le retrait, et chargé de symboles.
Après des mois d’absence, de silence volontaire, d’effacement stratégique, le rappeur au style brut revient là où on ne l’attendait plus : dans l’introspection. Exit les clashs, les égos hypertrophiés, les formules toutes faites. “Picasso” est un autoportrait déconstruit, une toile où les blessures ne sont pas cachées, mais exposées avec pudeur et précision.
Le visuel est glacé, dépouillé, presque clinique. Wendyyy apparaît seul, grave, habité. Chaque image raconte un fragment de douleur, chaque silence pèse plus que les punchlines. Il n’est pas là pour séduire. Il est là pour dire, pour poser un regard lucide sur ses échecs, ses absences, ses fragilités. Rarement un artiste haïtien aura livré une œuvre aussi nue, aussi retenue, aussi puissante dans sa sobriété.
Mais “Picasso” n’est pas une fin en soi. C’est un prologue. Car à la toute fin du clip, Wendyyy annonce l’improbable : “TROIS Part II”, la suite directe de son projet TROIS (2022), sortira le 27 mai 2025.
Neuf morceaux. Un seul featuring — mais de taille : STAN, figure de l’underground lucide, sur le titre “Sans Condition”. Une rencontre entre deux âmes désabusées, deux styles cérébraux, deux voix d’une génération en crise.
Et déjà, comme un écho lointain, une autre promesse : TROIS Part III. Aucune date. Juste un indice. Un fil rouge. Wendyyy ne construit pas une série de sons. Il tisse une fresque.
Ce que “Picasso” révèle, c’est plus qu’une transition musicale. C’est une mue. L’artiste qui avait autrefois brillé par la provocation revient armé de silence et de réflexion. Il parle aux cœurs fatigués, aux jeunesses trahies, aux hommes debout malgré les chocs.
En choisissant de revenir par l’intime, Wendyyy fait un geste politique. Dans une société où l’on cache la douleur, il la montre. Dans un milieu où l’on glorifie l’illusion, il revient au réel. C’est cette démarche qui fait de “Picasso” bien plus qu’un clip : un moment d’art total. Une prise de parole différente. Une façon de dire : je suis encore là, mais plus le même.
Avec “Picasso” et “TROIS Part II”, Wendyyy ne cherche pas à plaire. Il cherche à marquer son époque. Et peut-être, à en guérir une partie.
Smith PRINVIL