À huit mois d’une date symbolique, le 7 février 2026, Haïti semble avancer à reculons vers un gouffre politique, social et humanitaire. Alors que cette échéance devrait marquer la fin du mandat du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et l’espoir d’un renouveau institutionnel, c’est au contraire la peur, le vide et l’incertitude qui règnent.
La Fédération des Organisations de Femmes pour l’Egalite des Droits Humains- FEDOFEDH tire la sonnette d’alarme. Et il faut l’écouter. Son constat est glaçant : plus de 70 % de Port-au-Prince est sous contrôle de gangs, des femmes violées en silence, des enfants privés d’école, des citoyens abandonnés par un État devenu fantôme. La violence n’est plus une exception, c’est devenu l’ordre établi.
L’Accord du 3 avril, qui devait redonner un cap, n’est plus qu’un document oublié dans les tiroirs du CPT. L’illusion d’un dialogue national, les promesses de sécurité, de transition et d’élections crédibles n’ont pas franchi le seuil des conférences de presse. Pendant ce temps, les Haïtiens meurent, fuient, survivent.
Novia Augustin Alusma, présidente de la FEDOFEDH, pose les mots justes : il ne s’agit pas seulement d’un manque de plan, mais d’un déficit de volonté, d’un refus de rendre des comptes, d’une déconnexion abyssale entre le sommet et la base. Elle appelle à un forum national inclusif. Ce n’est pas un luxe, c’est une urgence démocratique.
Le silence international, lui aussi, pèse lourd. L’aéroport international reste fermé, les grandes puissances hésitent, les ONG reculent, et la mission multinationale annoncée est invisible. Pendant ce temps, les Haïtiens affrontent seuls une crise que le monde regarde de loin, comme une tragédie familière devenue banale.
Mais tout n’est pas perdu. Dans les quartiers assiégés, des voix se lèvent, des réseaux de solidarité se tissent, des citoyens refusent de céder à la fatalité. Ils réclament l’essentiel : sécurité, justice, nourriture, soins, école, élections. Ni plus, ni moins que ce que tout peuple est en droit d’exiger.
Le 7 février 2026 doit être un tournant, pas un point final. Le chaos n’est pas inévitable, à condition que les forces vives du pays — et leurs partenaires internationaux — se lèvent maintenant. Plus tard sera trop tard.
Smith PRINVIL