Ce 22 mai 2025, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale de la biodiversité sur le thème : « En harmonie avec la nature et le développement durable ». Un thème noble, mais qui sonne creux dans un pays comme Haïti, où la nature se meurt sous les coups conjugués de la négligence, de l’exploitation et de l’impunité.
Des montagnes jadis boisées, il ne reste que des cicatrices. Des mangroves vitales à l’équilibre côtier, il ne subsiste souvent que des souvenirs. Et dans les campagnes, la survie quotidienne rime trop souvent avec coupe de bois, agriculture de subsistance en terrains dégradés, ou migrations forcées.
Pourtant, Haïti est un territoire de biodiversité exceptionnelle, avec un taux d’endémisme parmi les plus élevés de la Caraïbe. Ce patrimoine naturel, forgé par des siècles d’adaptation, est aujourd’hui en péril. Et les programmes internationaux, bien qu’utiles, peinent à renverser la tendance.
L’UNESCO, à travers son programme L’Homme et la biosphère (MAB), soutient depuis plusieurs années des efforts de conservation, notamment dans les aires protégées. Mais selon plusieurs observateurs, ces initiatives restent trop dépendantes de financements extérieurs et trop peu ancrées dans les dynamiques locales.
À Port-au-Prince, le ministère de l’Environnement multiplie les communiqués. Mais sur le terrain, les structures de gestion sont sous-financées, les agents forestiers absents, et les décisions de zonage rarement appliquées. Des projets agro-industriels destructeurs de forêts continuent d’être approuvés sans étude d’impact sérieuse. Quant aux communautés rurales, premières concernées, elles sont souvent tenues à l’écart.
« On parle de biodiversité comme d’un bien universel, mais ici, elle est traitée comme un détail, une variable d’ajustement. Il est temps que les décisions soient prises avec nous, pas contre nous », déclare Yveline Dorcé, agronome et militante écologiste dans le Sud-Est.
Malgré tout, des signaux d’espoir existent. À Desdunes, Jacmel, ou dans les mornes de Fond-des-Blancs, des collectifs citoyens, des agriculteurs et des jeunes s’organisent pour reboiser, restaurer des sols, protéger les sources. Ils réclament non seulement des moyens, mais aussi une autre vision du développement, respectueuse de la terre et des savoirs ancestraux.
La biodiversité n’est pas un luxe pour Haïti : c’est une condition de survie. Elle garantit l’eau, l’alimentation, la résilience climatique. La laisser mourir, c’est condamner les générations futures à l’insécurité et à l’exode.
En ce 22 mai, la question est donc simple : sommes-nous prêts à changer de cap ? Ou continuerons-nous à regarder disparaître ce qui nous fait vivre ?
Par Smith PRINVIL